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Louis Bertrand: CASSICIACUM E' SCOMPARSO?

La pagina iniziale dello scritto di Bertrand apparsa in Revue des Deux Mondes - 1913 - tomo 17

La pagina iniziale dello scritto di Bertrand apparsa in Revue des Deux Mondes - 1913 - tomo 17

 

 

LOUIS BERTRAND

 

CASSICIACUM E' SCOMPARSO?

 

in REVUE DES DEUX MONDES

Anno LXXXIII pagg 327-341

Parigi 15 settembre 1913

 

 

 

Louis Marie Émile Bertrand nacque a Spincourt nel Dipartimento della Mosa nel 1866. Suo padre Ferdinand-Nicolas Bertrand, era cancelliere del giudice di pace. A Parigi studiò all'École normale supérieure dal 1885 al 1888 e l'anno seguente incominciò a insegnare lettere classiche al Liceo di Aix-en-Provence. Fra i suoi allievi troviamo il futuro Joachim Gasquet. Insegnò successivamente a Bourg-en-Bresse e in vari istituti di Algeri. In questa città nel 1897 ottenne il diploma di dottore in lettere. Nel 1901 passò al Liceo di Montpellier. Poco dopo abbandonò l'insegnamento per dedicarsi alla scrittura. Amico di Caroline Commanville, nipote di Gustave Flaubert,nel 1931 ne ereditò i libri e l'archivio dello zio, che nel 1936 vendette all'Istituto di Francia. Bertrand fu eletto all'Académie nel 1925 e fu anche membro dell'Académie de Stanislas.

Nel 1912 ricevette la nomina a Cavaliere della Legion d'Onore. Morì a Cap d'Antibes il 6 dicembre 1941.

 

 

 

Les lecteurs de la Revue des Deux Mondes (1), qui ont suivi avec un bienveillant intérêt mes récentes études sur saint Augustin, ne m'en voudront pas sans doute de les ramener à Cassiciacum. Cette villa de la banlieue milanaise, où le grand rhéteur converti se prépara à recevoir le baptême, a-t-elle décidément disparu, sans laisser les moindres traces? C'est ce que j'avais affirmé dans un de mes articles. Mais je pensais que s'il fallait la chercher quelque part, c'était sur les coteaux de la Brianza, cette région intermédiaire entre la plaine et les hautes montagnes, où les Milanais d'aujourd'hui viennent encore passer la saison chaude. Guidé par je ne sais quel instinct, je m'étais plu à l'imaginer dans les environs de Cernusco, petit village situé sur la ligne qui va de Lecco à Milan. Or, il parait que je m'étais trompé. A peine mon article était-il publié, que je reçus de Milan plusieurs lettres, où l'on voulait bien m'avertir de mon erreur.

Un lecteur de la Revue, notamment, me fit l'honneur de m'écrire: «Cassiciacum n'a pas disparu. C'est le moderne village de Casciago près de Varèse. Dans une position délicieuse, en vue du lac, il est dominé par de belles montagnes auxquelles conviennent parfaitement les paroles de Licentius.» - J'avais cité, en effet, sinon pour préciser le site, du moins pour en indiquer l'orientation, le vers du jeune Licentius, l'élève favori de saint Augustin, où celui-il exprime par cette périphrase poétique: «les soleils révolus parmi les hautes montagnes de l'Italie.» Dans le même moment, un aimable magistrat italien, M. Luigi Anfosso, membre de la Société historique de Lombardie, m'écrivait à son tour, en des termes non moins précis et affîrmatifs: «Cassiciacum n'a pas disparu. Il revit dans le village actuel de Cassago, près de Côme.» Et il me proposait, en faveur de sa thèse, un certain nombre de preuves qui, sans être péremptoires, me paraissaient assez plausibles.

Mais alors, qui avait raison, des partisans de Cassago ou de ceux de Casciago? J'étais fort embarrassé, d'autant plus qu'en jetant les yeux sur la carte, j'y découvrais un Carnago et un Camnago qui, eux aussi, pouvaient avoir la prétention d'être l'antique Cassiciacum. L'archéologie locale n'est jamais à court d'argumens, et, d'ailleurs, dans tout le Milanais, les noms en ago foisonnent, à peu près comme les noms en court dans notre Lorraine. Enfin, détail inquiétant, on me signalait un second Casciago, juste en face du premier, sur l'autre rive du lac de Varèse. Dans ce genre de questions, où le sentiment a tant de part, où les preuves matérielles manquent presque toujours, rien n'est tel que de s'en rapporter à ses yeux. Quelquefois la simple figure d'un pays suffit à ruiner une hypothèse hasardeuse. Je me résolus donc d'y aller voir. Evidemment, je n'avais pas l'illusion d'aller à la conquête d'une certitude, mais je pensais y trouver des probabilités plus précises et plus convaincantes. Et puis, à mettre les choses au pis, j'aurais, en fin de compte, la consolation d'avoir parcouru de très beaux paysages et vécu, quelques jours encore, avec le souvenir très cher de saint Augustin.

C'est donc à une sorte de pèlerinage que je convie mes lecteurs, un pèlerinage, où nous ne sommes pas sûrs d'arriver jusqu'à la chapelle du Saint. Mais nous en approcherons de très près, et, souvent peut-être, par les sentiers mêmes où il est passé, nous mettrons nos pas dans ses pas. On se rappelle l'admirable phrase des Confessions, véritable largesse de grand seigneur, par laquelle Augustin paya son ami Vérécundus de son hospitalité à Cassiciacum. «Tu le lui rendras, mon Dieu, au jour de la résurrection des justes ... Tu rendras à Vérécundus, en retour de son hospitalité, dans cette campagne de Cassiciacum, où nous nous reposâmes en toi, au sortir de l'été brûlant du siècle, tu lui rendras la fraîcheur et les ombrages éternellement verts de ton paradis.» «L'été brûlant du siècle» n'est point, ici, une pieuse métaphore. C'est, en effet, au moment le plus torride de l'été, au mois d'août, après l'ouverture officielle des vacances, que le rhéteur de la ville de Milan partit pour la campagne. Sans doute, les chaleurs avaient achevé de débiliter ce malade, qui souffrait depuis longtemps d'une bronchite chronique. Même dans les hautes chambres de la maison qu'il avait louée, - probablement aux portes de la ville, - sous les figuiers de son jardin, où la grâce du Christ venait de le terrasser, il ne respirait qu'un air embrasé et suffocant. Son départ fut pour lui, non pas seulement au moral, mais encore au physique, une délivrance et une renaissance. Pour le comprendre, il faut avoir subi, ne fût-ce que quelques jours, cet été milanais. Milan est peut-être la ville la plus chaude de l'Italie.

Par comparaison avec la Riviera, d'où je venais, la plaine lombarde me parut une fournaise. A travers cette immense campagne toute verte et toute luxuriante, où l'eau fume et miroite sous le regorgement des herbes et des feuillages, c'était le même souffle aride que sur les routes d'Afrique, sur les champs pierreux de la région sétifienne, ou la morne vallée du Chéliff. Et, dans les rues de Milan, devant le parvis éblouissant du Dôme, je retrouvais l'atmosphère cuisante et sèche, où j'ai vécu, tout un mois, à Séville, à l'époque où l'Andalousie dévastée flambe comme un Sahara. En traversant la cour de la gare, mon facchino, qui ruisselait de sueur, me dit, avec un soupir d'envie : - Ah! signore! beati quelli chè possono andare in montagna! ... Bienheureux ceux qui peuvent aller à la montagne ! Aller à la montagne! Ce voeu citadin doit être, depuis des siècles, celui de tous les Milanais, en ce moment de l'année. Saint Augustin fit comme tout le monde. Il alla, lui aussi, à la montagne. Mais quelle montagne? Où son ami Vérécundus avait-il sa villa? Est-ce, comme on me l'assure, à Casciago, près de Varèse, qu'il se reposa «de l'été brûlant du siècle?» Varèse! ... Les beaux arbres! C'est cela surtout, cette beauté des arbres, qui me frappe et m'enthousiasme, en arrivant. Les gens du Nord, habitués aux splendeurs végétales de leurs parcs, ne partageront pas, je le crains, mes admirations. Mais, au sortir de la Riviera, calcinée par le soleil caniculaire, on s'étonne devant cette opulence des feuillages et cette opacité des ramures. Sur ces premiers escarpemens des Alpes, où il fait, tour à tour, très froid et très chaud, toutes les essences peuvent s'acclimater.

Le Nord et le Midi sont réconciliés. Voici des palmiers nains, des cyprès, des thuyas, des cèdres pêle-mêle avec des sapins, des platanes, des trembles et des peupliers ... La route qui conduit de Varèse à Casciago est tout ombragée de ces beaux arbres. Bien que le soleil soit encore très haut dans le ciel, - il est à peine quatre heures du soir, - on y éprouve une impression continuelle de fraîcheur : c'est la profusion des verdures sans doute, l'éclat velouté des prairies qui en donnent l'illusion. Mais, par instans, cette fraîcheur est très réelle. Un courant d'air, venu des montagnes couvertes de neiges, vous caresse la figure et vous épanouit la poitrine. On se sent vraiment dans un pays d'ombrages, de nonchaloir, de repos. Les auberges qui bordent la route portent des enseignes significatives: Ristorante della pace, Osteiria della quiète: Restaurant de la paix. Estaminet du repos. J'aperçois, au passage, le portail d'un collège, qui s'intitule mêmement : Collegio della quiete, Collège du repos, - un nom bien engageant pour les petits collégiens! ... Au-dessus de l'entrée, une fresque naïve, peinte de couleurs claires et joyeuses, représente le repos de la Sainte Famille: la sainte Vierge, saint Joseph et l'Enfant Jésus étendus et dormant sous un palmier, auquel l'âne est attaché. Ces enluminures ajoutent à la gaîté tranquille et voluptueuse du paysage. Elles y mettent une pointe de sensualité italienne. Mais c'est l'impression de fraîcheur et de repos qui domine. Augustin, fatigué dans son corps, l'àme brisée par les luttes de sa conversion récente, no pouvait trouver une retraite plus propice. Tout ce qu il cherchait, il l'aurait, ici, avec surabondance: le calme, le recueillement dans la prière, le rafraîchissement dans le Seigneur, la jouissance solitaire et délicieuse de son coeur et de son esprit enfin pacifiés.

Le trajet est très court de Varèse à Casciago: une lieue au plus. Nous y voici déjà. Sur un fort épaulement de terrain s'éparpillent quelques maisonnettes, que domine, tout en haut, une usine, avec sa cheminée de briques et son panache de fumée. On me dit que c'est une filature de coton. Et mon coeur se serre à la pensée que l'odieuse fabrique occupe peut-être l'emplacement de la villa de Vérécundus. Je me remémore les Dialogues écrits, à Cassiciacum, par saint Augustin. On y descend fréquemment sur le pré pour discuter philosophie. Or voici le pré, au bas de la colline, de l'autre côté de la route. Cette colline elle-même est le lieu le plus élevé du village, le plus salubre sans doute et le mieux aéré. L'endroit était tout indiqué pour une maison de campagne. Alors, c'est du côté de la filature de coton qu'il faut chercher? ... Mais je me souviens aussi que Casciago possède un palazzo célèbre dans toute la contrée, celui des Castelbarco. Un lieu seigneurial a presque toujours de lointaines origines, et il est bien rare qu'il devienne complètement désert.

Le château appelle le château. Des raisons d'hygiène, de commodité, de beauté y attirent de nouveau des hôtes, même après un long temps d'abandon. Il est donc assez vraisemblable de voir dans les Castelbarco les héritiers et les successeurs de Vérécundus. - Je ne me dissimule pas la fragilité de ce raisonnement, ni combien il fut influencé par l'horreur de la filature. Encore une fois, le sentiment est peut-être le guide le moins trompeur en ces obscures matières. Jusqu'à ce que des fouilles nous aient restitué les débris authentiques de la villa romaine, nous ne pouvons que tâtonner, avec plus ou moins de bonheur, dans nos investigations. Il suffit que l'emplacement choisi par nous s'accorde aussi bien que possible avec les textes. D'ailleurs, mon cocher, sans prendre mon avis, me conduit, à la plus fringante allure, jusqu'à la grille du palazzo: ce doit être un but de promenade pour les touristes. Mais la concierge, brusquement surgie, se précipite à la tête des chevaux, et nous crie, toute palpitante d'une respectueuse émotion: - La principessa è arrivata! Du moment que la princesse est arrivée, je ne puis que solliciter humblement la permission de visiter les jardins. C'est d'ailleurs tout ce qui m'intéresse. Accompagné par la femme du jardinier, je pénètre sur la terrasse du château, je m'accoude à la balustrade, et j'admire ... Un immense horizon vient de se déployer subitement devant moi. Que c'est beau!

Comme je voudrais que les archéologues milanais, partisans de Casciago, ne se fussent point trompés! Ce paysage est vraiment le cadre que l'on rêve pour les méditations platoniciennes de saint Augustin. Partout des lacs, étalés en larges nappes dormantes, laiteuses et profondes comme des opales. Il y en a cinq, - le lac de Varèse, le Lac Majeur et trois autres plus petits, - mais si rapprochés qu'on dirait un unique miroir d'eau, aux formes contournées et capricieuses, découpé et brisé par la sertissure des montagnes et les mille courbes des terrains. Derrière, la masse violette des Alpes, où se détache, pareil à une gigantesque nef toute en marbre blanc, le Mont Rose chaperonné de ses neiges étincelantes.

Au pied de la terrasse, une vaste plaine ondulée et mamelonnée, avec ses villages aux toits rouges, ses prairies et ses bouquets d'arbres: tout cela flottant dans cette lumière bleue et suave, qui, chez les peintres italiens de la Renaissance, baigne les fonds des paysages. Je me retourne vers la façade cérémonieuse du château. De chaque côté du perron, deux grands jets d'eau en parade élancent leurs panaches jusqu'à la hauteur des corniches. Une pluie cristalline nous enveloppe et nous rafraîchit.

Des fleurs aux couleurs vives composent la tapisserie éclatante des parterres: des oeillets d'Inde, des bégonias, des glaïeuls, des hibiscus. Dans les massifs, des magnolias épanouissent leurs énormes corolles de satin blanc. Nous descendons, parmi les parfums âpres des plantes surchauffées et les gouttelettes d'eau pulvérisée, que chasse un coup de brise. Sous le mur d'appui de la terrasse, entre les deux rampes d'un double escalier, un dauphin de pierre dégorge une onde paresseuse dans un bassin obstrué de nénuphars ; et, tout de suite, à l'extrémité d'une étroite pelouse bordée de sapins, la vue se perd sur les dernières sinuosités du lac de Varèse ... Où suis-je? Chez le grammairien Vérécundus, ou chez la princesse de Castelbarco? J'essaie tant bien que mal de découvrir la villa antique sous son revêtement moderne et de raccorder ce que j'ai sous les yeux aux descriptions sommaires de saint Augustin. Avec un peu de bonne volonté, on peut très bien le voir assis sur l'herbe de cette pelouse et dissertant, entre ses deux disciples, sur l'ordre des choses et la vie heureuse.

Ce dauphin de pierre épancherait dans le bassin la veine exténuée du ruisselet, qui, autrefois, coulait dans les bains de Vérécundus et dont le murmure empêchait de dormir le maître Augustin et ses élèves. Mais, sans doute, il n'y a pas une villa, à dix lieues à la ronde, qui ne puisse nous offrir, comme le palais Castelbarco, une pelouse encadrée d'arbres et un ruisseau canalisé. Le plus embarrassant, c'est que, de quelque côté que l'on se tourne, il est impossible de ne pas apercevoir les lacs. Or, saint Augustin n'en a point parlé dans ses Dialogues. Que cette omission serait surprenante de sa part! Il a noté une foule de détails extérieurs, de circonstances fortuites, qui nous aident à reconstituer la physionomie de Cassiciacum.

Il a remarqué les cailloux et les amas de feuilles mortes, qui brisaient ou qui interrompaient le cours du ruisseau, la dissymétrie des ouvertures dans la façade de la villa, les aspects maussades ou joyeux du ciel, les variations de la température, et il aurait oublié la principale beauté du paysage, une beauté qui s'impose même aux yeux les plus indifférens! Avec leurs colorations changeantes comme l'expression d'un visage, les cinq lacs vous regardent et attirent le regard. Et Augustin, attentif à une bataille de coqs, ne les aurait pas regardés! ... Une autre objection moins forte, mais qui a sa valeur aussi, c'est que Casciago est bien éloigné de la ville, pour une maison de campagne. Soixante-cinq kilomètres environ le séparent de Milan. Cependant, nous voyons, dans les Dialogues, que le bon Alypius ne fait, pour ainsi dire, que le chemin entre Cassiciacum et la ville. C'aurait été un véritable voyage. Est-il vraisemblable qu'il se soit imposé si souvent, - et en plein été, - la fatigue d'un tel trajet? Enfin est-il naturel que le grammairien Vérécundus ait acheté, ou conservé une propriété si distante de la ville où le retenaient ses fonctions?

Tandis que je médite et que je pèse ces raisons, un carillon rustique commence à tinter au campanile de l'église, qui est en contre-bas de la terrasse. Alors, frappé d'une lueur soudaine, j'interroge la femme du jardinier: n'y aurait-il pas, dans l'église de Casciago, quelque souvenir, ou quelque relique de saint Augustin? - «Non, il n'y a rien, absolument rien. D'ailleurs, le patron de la paroisse, ce n'est pas saint Augustin, c'est saint Eusèbe.» - Et, comme elle a l'air tout étonnée de ma question, je suis obligé de lui expliquer que j'écris un livre sur ce grand saint. Une curiosité brille dans ses yeux, et, tout de suite, elle me demande «où s'achète le livre?» - Ah! la parole courtoise que voilà et combien douce aux oreilles d'un auteur! Tant de politesse m'engage à continuer la conversation. Nous parlons de saint Augustin. La bonne femme veut savoir depuis quand il est mort, et s'il n'était pas le fils de saint Ambroise. Ces questions naïves me prouvent que la mémoire des deux saints, si déformée qu'on voudra, hante encore l'imagination populaire dans cette région du Milanais. Et puis, cet intérêt, aussitôt manifesté au seul nom de saint Augustin, n'est-ce point touchant? Il y a là une source d'émotion très ancienne et qui n'est pas encore tarie. Il me semble qu'à travers les siècles, par la bouche de cette femme, il me revient un peu de la vénération dont les paysans de Cassiciacum entouraient le rhéteur de Milan, le grand savant chrétien, qui se mêlait à leurs travaux. Néanmoins, je ne me contente pas des allégations de la jardinière.

Par la porte de la sacristie, je pénètre dans l'église de Casciago, et dès le seuil, je reconnais le buste du patron de la paroisse, - un saint Eusèbe barbu, pourvu d'un long nez et d'une mitre colossale, qui attend, sur une planche, le jour de sa fête et la procession solennelle dans les rues du village. Chance providentielle pour moi, le vicaire est en oraison devant le maître-autel. Nous ne tardons pas à causer du motif qui m'amène. Le jeune prêtre confirme les dires de la paysanne. - «Non, encore une fois, on ne découvre, à Casciago, aucune trace du passage de saint Augustin. Pas une légende, pas une tradition." C'est à Cassago de Brianza qu'il faut aller! - D'ailleurs, ajoute le vicaire, il y a des raisons philologiques. Cassiciacum a pu se syncoper en Cassiacum, lequel a donné, en latin médiéval, Cassiagum, d'où Cassago. En revanche, le nom de Casciago, tel qu'il est prononcé par les gens du pays (Cat-chiago, prononciation figurée à la française), suppose un son dental-fort dans le nom latin étymologique: Castiagum, avec un t, et non Cassiagum ... En effet, c'est bien ainsi que mon cocher a prononcé le nom de Casciago, lorsque je lui ai demandé de m'y conduire: Cat'chiago et non Cascliiago, - en figurant toujours la prononciation à la française. Sans doute, ces doctes argumens valent ce qu'ils valent. Il n'en est pas moins probable que j'ai fait fausse route. Pour moi, ce qui m'incline le plus sérieusement à le croire, c'est d'abord la distance considérable entre Casciago et Milan, et surtout la présence des cinq lacs, auxquels saint Augustin n'a fait aucune allusion. J'en suis désolé.

Ce paysage du lac de Varèse est admirable, et il m'aurait été doux d'associer à son souvenir celui du grand rhéteur pénitent. Vais-je trouver aussi bien à Cassago de Brianza? En attendant, je m'arrête à Varèse, dans une villa du XVIII siècle, transformée en hôtel. Elle a très grand air, cette vieille maison seigneuriale, avec son portique, sa cour d'honneur à colonnade, sa façade rococo, peinte en rose du haut en bas, couronnée de balustres, de pots-à-feu et de statues mythologiques. Quand on arrive du dehors, la figure enflammée de soleil, les mains encore sèches de l'air chaud du couchant, c'est une sensation, exquise de s'enfoncer dans la pénombre fraîche des longs corridors, oii les pieds glissent, sur la mosaïque polie du dallage, comme sur une rivière gelée. Tout à coup on débouche dans un vestibule haut et sonore, aussi spacieux qu'une salle des gardes, avec sa cheminée monumentale et ses portes à deux battans. Puis, l'enfilade des corridors recommence, s'infléchit vers une autre aile du vieux logis, déployant, le long des murs, un étrange musée de toiles écailleuses et surannées, dans le goût du Bachiche ou de Pietro de Gortone, de Loutherbourg ou de Joseph Vernet: paysages échevelés et pathétiques, se détachant sur des ciels d'orage, avec des arbres tous pareils, qui font des effets de torses et de racines; scènes de tragédies, belles personnes pâmées, cascades de seins, gorges renversées, prunelles chavirées et luisantes de larmes sentimentales ... Puis, une petite porte s'ouvre, et l'on entre dans une chambre au mobilier gothique, au plafond en nacelle, peint de bouquets de fleurs, comme on en voit dans les keepsakes romantiques. Cela ne détonne point.

C'est même étonnant comme le rococo et le gothique 1830, ces deux frères ennemis, se réconcilient aisément et, juxtaposés, finissent par faire bon ménage. Mais l'endroit unique de la villa, celui où l'on goûte vraiment la volupté italienne, qui sait si bien mêler la nature aux émotions d'art, - c'est la terrasse. Par delà un grand parterre, où fuse un jet d'eau, entre les silhouettes des sapins et des cyprès, gigantesques et sombres comme des obélisques et des pyramides de marbre noir, la face lunaire du lac se décolore lentement. L'air est très doux. Une odeur de foin coupé monte de la prairie. Dans une flambée d'incendie agonisant, le soleil s'abime derrière la crête des montagnes. Alors, la face du lac se ranime: il est lilas, bleu, orangé. Puis, les feux s'éteignent, l'eau morte reprend son aspect lunaire. Le ciel est devenu vert et jaune soufre, et, dans un poudroiement d'or, qui tourne au rouge sanglant, les aiguilles des pins et des cyprès se découpent, avec on ne sait quoi de splendide et de déchirant, qui ressemble aux derniers accords d'une symphonie expirante ...

Là-bas, dans la galerie, des violons se lamentent. C'est le concert de tous les soirs. J'écoute par la porte entre-bàillée de la salle de bal, une grande pièce Louis XVI, solitaire et nue, sans autre mobilier que ses banquettes de soie crème, dont les pieds blancs se mirent dans la profondeur frigide du parquet. Avec ses médaillons, ses broderies, ses colifichets de stuc, elle est toute blanche et toute bleue comme une jeune fille en atours .. Le long des frises, des danseuses pompéiennes tournent silencieusement dans des envols d'écharpes, de rubans et de gazes flottantes. Personne. Les ampoules électriques du plafond déversent une clarté violente sur le parquet trop brillant, sur les appliques anciennes qui se morfondent contre les murs, avec leurs bobèches trop larges, et leurs bougies qu'on n'allumera plus. J'écoute. Les violons se lamentent. Dans les hautes glaces en trois morceaux, que ternit une buée vétusté, les danseuses des frises se reflètent, vagues comme des spectres. Sous ce trumeau, voici la console historique, où Verdi écrivit d'inspiration un de ses choeurs ... Sanglots romantiques, grâces maniérées du siècle galant, tout ce passé se confond, emporté par un même rythme nostalgique et funèbre. Ah ! la belle nuit, enfiévrée de tristesse et de volupté, et qui va mourir trop vitel ... Soudain, ma mémoire se re' veille. Me suis-je tant e'carté du pénitent des Confessions, qui, tout près d'ici, a connu des exaltations et des mélancolies pareilles? Au bord de ce lac, invisible maintenant sous les ténèbres, son ami Manlius Théodore avait peut-être une de ses villas.

Comme Augustin s'y plaisait! Qu'il eut de peine à quitter pour le Christ tout ce qu'il goûtait, tout ce qui le ravissait chez son hôte, «les fontaines et les bains, les jardins aux beaux ombrages, les festins somptueux et délicats, les jeux des mimes et les concerts des musiciens! » Pourtant, lui, il eut le courage de quitter tout cela. Si Cassago de Brianza est Cassiciacum, cette campagne offrit, du moins, au nouveau converti une retraite abondante en consolations. Et si ce n'est pas un lieu d'enchantement comme Casciago, si le paysage y est moins grandiose, il est encore très beau. Il y a tout au plus trente-trois kilomètres entre Cassago et Milan: Alypius pouvait aller à la ville, pour les affaires de la ferme, et rentrer le même jour, La région est verdoyante et fraîche. Aussi les villas y sont-elles nombreuses. Partout, des eaux courantes ou jaillissantes, que l'industrie moderne s'est empressée d'exploiter. L'éclairage électrique est prodigué jusque dans les moindres bourgades. A l'osteria de Barzano, où le tramway m'a déposé, je m'ébahis devant les splendeurs du luminaire. De là à Cassago, encore deux petits kilomètres. Par une pente douce, entre des murs de jardins, que débordent des branches de platanes et de sapins, on descend vers l'endroit où fut, me dit-on, Cassiciacum. Avant d'y arriver, on aperçoit, sur une éminence, une énorme chapelle gothique, qui écrase de son faste toute la campagne, - le mausolée familial des Visconti Modrone, les actuels propriétaires de Cassago et les successeurs possibles de Vérécundus. En tout cas, nous sommes ici dans un pays tout plein de saint Augustin. Quelque conclusion qu'on en tire touchant Cassiciacum, il est certain que, nulle part, dans aucune autre partie du Milanais, son souvenir n'est plus vivant. Avec une obligeance extrême, le curé de la paroisse veut bien me servir de guide et me communiquer toutes les traditions qu'il a recueillies.

Nous commençons par l'église, qui est de construction relativement récente et qui ressemble à toutes les églises du Nord de l'Italie. Mais elle remplace un très ancien sanctuaire, situé un peu plus haut, et qu'on a dû abattre pour rebâtir le palazzo des Visconti. Sainte Monique y occupe une niche d'honneur, à l'un des angles de la nef, et saint Augustin y possède un autel. Mitre en tête, la statue coloriée du grand évêque se dresse derrière un vitrage enguirlandé de fleurs artificielle. D'une main, il presse un fort volume contre sa poitrine, et, de l'autre, il élève vers le ciel un coeur enflammé et tout rouge, comme on le voit dans les gravures liminaires des éditions bénédictines. A ses pieds, dans la maçonnerie de l'autel, une relique vénérable est encastrée. Nous détachons le paravent de bois peint qui la protège, - et une vieille pierre rugueuse apparaît, sillonnée de lignes bizarres, de figures à demi effacées, dont il est impossible de deviner la signification. Tout ce qu'on y distingue, c'est une croix romane surmontant on ne sait quelle forme, qui évoque l'image confuse d'un Sacré-Coeur. Une légende veut que, pendant son séjour à Cassiciacum, saint Augustin ait dit la messe sur cette pierre. Mais le curé lui-même me fait remarquer que cette légende ne tient pas debout, puisque saint Augustin n'était pas encore ordonné prêtre, pas même baptisé, lorsqu'il habitait ici. Il faudrait supposer qu'il y revint après son ordination. Or aucun texte n'autorise une telle hypothèse. Il n'en est pas moins vrai qu'on chercherait vainement ailleurs des traditions populaires comme celle-ci. Le fait qu'elles se rencontrent seulement à Gassago prend donc une certaine importance, - et une importance d'autant plus grande que d'autres traditions locales s'ajoutent à cette première légende. Ainsi derrière l'église, dans le parc du château, il y a un ruisseau qui, depuis un temps immémorial, s'appelle «la fontaine de saint Augustin.» Précédés du régisseur, nous allons la voir, cette fontaine, qui a entendu de si doctes entretiens, et qui en est restée célèbre à l'égal des plus grands fleuves. Au bas d'un talus gazonné, nous nous arrêtons devant un mince filet d'eau stagnante, qui émerge d'un fourré de noisetiers et d'acacias et qui se perd, un peu plus loin, sous les herbes. Elle ne murmure plus, elle ne rebondit plus sur les cailloux, comme au temps où elle distrayait les insomnies de saint Augustin. C'est une flaque presque tarie, qui va être bue par la terre et les feuilles mortes. Cependant le régisseur nous assure qu'en hiver ou au printemps, après les pluies ou la fonte des neiges, la fontaine expirante se ranime, qu'elle coule alors à gros bouillons et qu'elle est encore capable de faire un assez beau tapage. A quoi le curé ajoute qu'elle est dérivée d'un torrent, qui passe tout près du village, - le Gambaione, - et que saint Augustin aurait implicitement désigné, lorsqu'il parle de cette eau, qui est amenée aux bains de Cassiciacum par des tuyaux de bois, - canalihus ligneolis. Naturellement, les tuyaux de dérivation auraient été détruits au cours des siècles. Mais, dans le sous-sol d'un jardin, proche du palazzo Visconti, on a exhumé des conduits en terre cuite, comme les Romains en employaient pour leur hypocaustes. Seraient-ce les derniers vestiges des thermes de Vérécundus? Il n'est nullement déraisonnable de le croire. Enfin, pour épuiser les raisons archéologiques, il y a encore, sur le territoire de Cassago, un lieu qu'on appelle Oriano et qui est désigné dans le testament de l'archevêque Andréa, daté de l'an 903, sous le nom latin Aurelianum. Or, on sait que saint Augustin s'appelait Aurelius Augustinus. Est-ce en souvenir de son passage à Cassiciacum que les paysans auraient donné son nom à ce quartier de leur village? Quoi qu'il en soit, tous ces menus faits forment un faisceau de concordances, qui obligent à réfléchir même les plus sceptiques. Quant à la topographie de la villa moderne, elle se plie sans peine aux allusions descriptives de saint Augustin. Rien de plus facile, puisque ces allusions sont très sommaires. Dans toute cette région montagneuse, il n'est guère de villa qui n'ait sa pelouse ou sa terrasse, avec une prairie en contre-bas, où s'éparpillent des bouquets d'arbres. Et c'est bien ce que je trouve à la villa Visconti. Entre deux sapins, qui encadrent l'horizon, une vaste perspective se creuse, par-dessus les ondulations de la Brianza, jusqu'à la chaîne nébuleuse des Alpes. Les contours tremblent dans ce bleu suave et léger qui semble la couleur de l'air, en ce pays. A gauche, je reconnais la montagne en dents de scie et les escarpemens fauves, que j'avais déjà contemplés, l'an passé, à Cernusco. En somme, le paysage est le même que celui que j'ai décrit dans mon chapitre sur Cassiciacum. Si Vérécundus eut, ici, sa villa, je ne me suis pas trompé beaucoup, en la cherchant sur la ligne de Lecco à Milan. Le palazzo moderne, qui l'a remplacée, a sans doute des parties très anciennes, mais déguisées et devenues à peu près méconnaissables sous un jupon de style 1830. Néanmoins, le régisseur tient à me faire visiter des sous-sols, où il s'obstine à voir la cuisine de sainte Monique. J'avoue que le seul aspect des lieux décourage tous les efforts de mon imagination pour le suivre sur cette piste. Il y a bien une cour entourée d'un promenoir à colonnes toscanes, avec des tentures de grosse toile rougeàtre, dans les entre-colonnemens, qui rappelle de loin l'atrium d'une maison romaine. Ce n'est qu'une vision fugitive. Presque tout le revêtement du logis est conçu dans le gothique oxfordien le plus pur. Aimable revenant, le genre troubadour ici m'environne. Il ne me choque point. Je sais que je suis au berceau même du romantisme italien. Cassago n'est pas loin du lac de Côme, cher à Manzoni, qui plaça sur ses rives les principales scènes de ses Fiancés. Et je songe aussi à tout ce qu'il y eut de romantique dans l'âme ardente et troublée de saint Augustin. Le curé me ramène à ce grand saint, en me montrant, dans les archives du presbytère, un curieux document rédigé, en latin, d'une belle écriture diplomatique, où il est dit, que, dans les premières années du XVII siècle, la paroisse de Cassago fut préservée de la peste, grâce à l'intercession du «pontife d'Hippone, Hipponensis pontificis»: ce qui confirme l'existence d'un culte traditionnel de saint Augustin dans la région. Enfin le 20 août, sa fête y est célébrée avec une solennité qu'elle n'a nulle part ailleurs. Rappelons-nous maintenant les autres faits invoqués par les archéologues: la pierre légendaire encastrée dans la maçonnerie de l'autel, la fontaine de saint Augustin, le nom Aurelianus donné à un quartier du village. Est-il besoin d'autres preuves, pour nous assurer que nous sommes bien, ici, à Cassiciacum? Évidemment, aucune de ces preuves n'est absolument concluante et certaine. Mais pourquoi est-ce à Cassago seulement qu'on rencontre ces faits et ces traditions? Pourquoi la mémoire du saint y est-elle toujours vivante, - et cela depuis des siècles? Il faut bien qu'il y ait quelque chose. Si, d'autre part, le site et la topographie ne contredisent point les allusions des Dialogues et des Confessions, nous aurions mauvaise grâce à exiger davantage, d'autant plus que l'archeologie ne peut pas et ne pourra jamais, sans doute, trancher le problème par des argumens positifs. Ne cherchons donc pas plus loin, et croyons simplement que nous avons retrouvé Cassiciacum.

 

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Me voici devant la realité, que j'ai si longuement poursuivie, et, comme toujours, je reste mélancolique devant mon rêve accompli. Je n'ose pas dire: "Eh quoi? Ce n'est que celai" parce que je sais bien que c'est ma faute si je reste froid. Tout occupé, à Cassago, de réunir des documens et de rapprocher des vraisemblances, j'ai fait comme le peintre amateur qui, à l'affût du motif pittoresque, oublie de voir et de sentir le paysage. L'an dernier, à Cernusco, j'étais autrement ému, lorsque, sans espoir de les retrouver jamais, je cherchais les vestiges du saint, et que toute ma pensée n'était pleine que de lui.

 

 

 

 

(1) Pour répondre à de nombreuses demandes qui m'ont été adressées par des lecteurs de Is. Revue, - mes éludes sur saint Augustin paraîtront en volume dans le courant du mois prochain.

 

I lettori della Revue des Deux Mondes, che hanno seguito con benevolo interesse i miei recenti studi su Sant'Agostino, probabilmente non me ne vorranno per averli riportati su "Cassiciacum". Questa villa nella periferia di Milano, dove il grande retore convertito e pronto a ricevere il battesimo, è decisamente scomparsa, senza lasciare tracce? Questo è quanto ho scritto in uno dei miei articoli. Ma ho pensato che se doveva essere trovata da qualche parte, era sulle colline della Brianza, questa regione situata tra la pianura e le alte montagne, dove i milanesi vengono ancora oggi a trascorrere la stagione calda. Guidato da un certo istinto, mi è piaciuto immaginarla nelle vicinanze di Cernusco, un piccolo borgo sulla linea che va da Lecco a Milano. Ora, sembra che mi sbagliavo. Non appena il mio articolo è stato pubblicato, ho ricevuto diverse lettere da Milano, e mi ha fatto piacere essere stato avvertito del mio errore.

Un lettore della Rivista, in particolare, mi ha fatto l'onore di scrivermi: "Cassiciacum non è scomparso. Questo è il moderno villaggio di Casciago vicino a Varese. In una posizione deliziosa, in vista del lago, è dominato da bellissime montagne a cui si adattano perfettamente le parole di Licentius." Avevo citato, infatti, se non per chiarire il sito, almeno per indicarne l'orientamento, il verso del giovane Licentius, l'allievo preferito di Sant'Agostino, il quale ricordando al suo maestro il loro comune soggiorno a Cassiciacum, si esprime con questa poetica perifrasi: "i giorni passati che trascorremmo nel centro dell'Italia su per gli alti monti". Allo stesso tempo, un gentile magistrato italiano, il signor Luigi Anfosso, membro della Società Storica della Lombardia, mi ha scritto in termini non meno precisi e affermativi: "Cassiciacum non è scomparso. Vive tuttora nell'attuale villaggio di Cassago, vicino a Como.

E mi offrì, in favore della sua tesi, una serie di prove che, sebbene non decisive, mi sembravano abbastanza plausibili. Ma poi, chi aveva ragione, i sostenitori di Cassago o quelli di Casciago? Ero molto imbarazzato, soprattutto perché quando guardavo la mappa, scoprii un Carnago e un Camnago che, anche loro, potevano avere la pretesa di essere l'antica Cassiciacum. L'archeologia locale non è mai a corto di argomenti e, inoltre, in tutto il milanese abbondano nomi in "ago", proprio come i nomi in "court" nella nostra Lorena. Infine, dettaglio preoccupante, mi è stato segnalato un secondo Casciago, proprio di fronte al primo, dall'altra parte del Lago Varese. In questo tipo di questioni, dove il sentimento ha così tanta parte, dove le prove materiali mancano quasi sempre, niente è importante come il rendersene conto con i propri occhi. A volte la semplice visione di un paese è sufficiente a rovinare un'ipotesi azzardata. Così ho deciso di andare a vedere. Certo, non avevo l'illusione di andare alla conquista di una certezza, ma pensavo che avrei trovato probabilità più precise e convincenti. E poi, pur nel caso peggiore, avrei avuto la consolazione di aver viaggiato in paesaggi molto belli e vissuto, qualche giorno ancora con il carissimo ricordo di Sant'Agostino. È quindi ad una sorta di pellegrinaggio che invito i miei lettori, un pellegrinaggio, dove non siamo sicuri di raggiungere l' "oratorio" del Santo. Ma ci avvicineremo molto, e sovente, proprio sui sentieri da cui è passato, porremo i nostri passi sulle sue orme.

 

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Si ricorda l'ammirevole frase delle Confessioni, una vera gentilezza da grande signore, con la quale Agostino ripagò il suo amico Verecondo per la sua ospitalità a Cassiciacum. " O Signore, tu lo ricompenserai nella resurrezione dei giusti [… ] tu dai a Verecondo, in cambio di quel suo asilo campestre a Cassiciaco dove riposammo in te al riparo dalla calura del mondo, - [l'estate ardente del secolo] - l'amenità del tuo giardino perennemente in fiore" "L'estate ardente del secolo" non è qui una pia metafora. Fu, infatti, nel periodo più caldo dell'estate, ad agosto, dopo l'apertura ufficiale delle vacanze, che il retore dalla città di Milano partì per la campagna. Senza dubbio, la calura aveva finito per debilitare questo ammalato, che aveva sofferto a lungo di bronchite cronica. Anche nelle alte stanze della casa che aveva affittato, probabilmente alle porte della città, sotto i fichi del suo giardino, dove la grazia di Cristo lo aveva appena colto, non si respirava che un'aria calda e soffocante. La partenza fu per lui, non solo nel morale, ma anche nel fisico, una liberazione e una rinascita. Per comprenderlo, bisogna aver sopportato, anche solo qualche giorno, questa estate milanese. Milano è forse la città più calda d'Italia. Rispetto alla Riviera, da dove sono venuto, la pianura lombarda mi sembrava una fornace.

Attraverso questa immensa campagna, tutta verde e lussureggiante, dove l'acqua evapora e brilla da sotto il frusciare di erbe e fogliame, era lo stesso respiro arido delle strade dell'Africa, sui campi sassosi della regione del Sétefinne o nella triste valle di Chéliff . E, per le strade di Milano, sull'abbagliante piazzale di fronte al Duomo, ho ritrovato l'atmosfera torride e secca, che avevo vissuto, per un mese intero, a Siviglia, nel periodo in cui l'Andalusia devastata brucia come il Sahara. Mentre camminavo attraverso il cortile della stazione, il mio facchino, che gocciolava di sudore, mi disse, con un sospiro di invidia: "Ah! Signore! beati quelli che possono andare à la montagna!..... ". " Questo desiderio dei cittadini, deve essere stato per secoli, quello di tutti i milanesi in questo periodo dell'anno. Sant'Agostino fece come tutti. Anche lui andò verso la montagna. Ma quale montagna? Dove aveva la villa il suo amico Verecondo? Fu, come mi è stato assicurato, a Casciago, nei pressi di Varese, che si riposò "dall'estate ardente del secolo?"

 

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Varese!... Gli splendidi alberi! È soprattutto questa bellezza degli alberi, che mi colpisce quando arrivo. Le genti del Nord, abituate agli splendori della vegetazione dei loro parchi, non comprenderanno, temo, la mia ammirazione. Ma, all'uscita dalla Riviera, bruciata dal sole caldo, si è sorpresi dall'ombreggiatura del fogliame e dall'opulenza dei rami. Su questi primi rilevi delle Alpi, dove si alternano molto freddo e molto caldo, tutte le specie possono acclimatarsi. Il Nord e il Sud si riconciliano. Qui ci sono palme nane, cipressi, thuya, cedri confusi con abeti, platani, pioppi e pioppi ... La strada da Varese a Casciago è tutta ombreggiata da questi begli alberi. Anche se il sole è ancora molto alto nel cielo, - sono appena le quattro del pomeriggio - si ha una continua sensazione di freschezza: è l'abbondanza del verde, senza dubbio, il brillare vellutato dei prati che ne dà l'illusione. Ma, a volte, questa freschezza è anche molto reale. Un soffio d'aria, proveniente dalle montagne innevate, accarezza il viso e vi apre il petto. Ci si sente veramente come trovarsi in un paese ombreggiato, rilassante, di riposo. Le locande che sorgono lungo la strada portano insegne significative: Ristorante della Pace, Osteria della Quiete . Vedo, tra l'altro, il portale di un collegio, che si chiama persino Collegio del Riposo, un nome molto coinvolgente per i piccoli collegiali!... Sopra l'ingresso, un affresco naïf, dipinto con colori chiari e gioiosi, rappresenta il riposo della Sacra Famiglia: la Santa Vergine, San Giuseppe e il Bambino Gesù sdraiati e addormentati sotto una palma, a cui è attaccato l'asino. Queste insegne aggiungono un'allegria tranquilla e voluttuosa al paesaggio. Mettono un tocco di sensualità italiana. Ma è la sensazione di freschezza e riposo che domina. Agostino, stanco nel suo corpo, l'anima distrutta dalle lotte della sua recente conversione, non poteva trovare un ritiro più propizio. Tutto ciò che cercava, lo avrebbe avuto qui, in grande abbondanza: calma, raccoglimento nella preghiera, ristoro nel Signore, il solitario e delizioso godimento del suo cuore e della sua mente finalmente pacificata. Il viaggio è molto breve da Varese a Casciago: una lega al massimo.

Ci siamo già. Alcune piccole case sono sparse su una collinetta, dominata in cima, da una fabbrica, con il suo camino di mattoni ed il pennacchio di fumo. Mi è stato detto trattarsi di un cotonificio. E mi si stringe il cuore al pensiero che l'odiosa fabbrica possa occupare la posizione della villa di Verecondo. Ricordo i Dialoghi scritti, a Cassiciacum, da Sant'Agostino. Spesso scendiamo nel prato per discutere di filosofia. Ora ecco il prato, in fondo alla collina, dall'altra parte della strada. Questa stessa collina è il posto più alto del paese, il più salubre e senza dubbio il meglio ventilato. La posizione ideale per una casa di campagna. È quindi nelle vicinanze del cotonificio che dobbiamo cercare ?... Ma ricordo anche che Casciago ha un palazzo famoso in tutto il paese, quello dei Castelbarco. Un luogo signorile ha quasi sempre origini lontane, ed è molto raro che diventi completamente deserto. Il castello chiama il castello. Motivi di igiene, convenienza, bellezza, attirano di nuovo gli abitanti, anche dopo un lungo periodo di abbandono. È quindi molto probabile che veda a Castelbarco gli eredi e i successori di Verecondo. Non nascondo l'ingenuità di questo ragionamento, né quanto sia stato influenzato dall'orrore della filatura. Ancora una volta, il sentimento è forse la guida che meno inganna in queste oscure questioni. Fino a quando gli scavi non avranno restituito gli autentici ruderi della villa romana, non possiamo che brancolare, con più o meno successo, nelle nostre indagini. È sufficiente che la posizione da noi scelta si adatti il meglio possibile ai testi. Inoltre, il cocchiere, senza seguire il mio consiglio, mi accompagna con ritmo incalzante al cancello del palazzo: deve essere la meta delle passeggiate dei turisti. Ma il portinaio, apparso all'improvviso, si precipita alla testa dei cavalli, e ci grida, tutto palpitante di rispettosa emozione: " La principessa è arrivata." Dal momento che la principessa è arrivata, posso solo umilmente chiedere il permesso di visitare i giardini. Del resto è solo quanto mi interessa. Accompagnato dalla moglie del giardiniere, salgo sulla terrazza del castello, mi appoggio alla balaustra ed ammiro... Uno sconfinato orizzonte improvvisamente mi si apre davanti. Che bello! Come vorrei che gli archeologi milanesi, sostenitori di Casciago, non si fossero sbagliati!

Questo paesaggio è davvero la cornice che sogniamo per le meditazioni platoniche di Sant'Agostino, ovunque laghi, sparsi in larghe chiazze dormienti, lattiginosi e profondi come opali. Ve ne sono cinque - il Lago di Varese, il Lago Maggiore e tre più piccoli - ma tra loro così vicini da sembrare un unico specchio d'acqua, con forme a capriccio, tagliato e spezzato dalla cornice delle montagne e dalle mille curve del terreno. Dietro, la massa purpurea delle Alpi, dove si staglia, come una gigantesca navata di marmo bianco, il Monte Rosa ricoperto dalle sue nevi scintillanti. Ai piedi della terrazza, una vasta pianura, ondulata di colline, con i suoi villaggi dai tetti rossi, prati e macchie di alberi: tutto fluttuante in questa luce azzurra e soave, che, tra i pittori del Rinascimento italiano, contraddistingue la profondità dei paesaggi. Mi rivolgo verso la facciata signorile del castello. Ai lati dei gradini, due grandi getti d'acqua ostentano i loro pennacchi fino all'altezza dei cornicioni. Una pioggia cristallina ci avvolge e ci rinfresca. Fiori dai colori vivaci compongono il vivace arazzo delle aiuole: calendule d'India, begonie, gladioli, ibiscus. Tra i massi, fioriscono le magnolie con le loro enormi corolle di raso bianco. Scendiamo, tra i profumi aspri di piante surriscaldate e goccioline di acqua vaporizzata, spinte da un soffio di brezza. Sotto il muro di sostegno della terrazza, tra i due corrimano di una doppia scala, un delfino di pietra lancia un pigro zampillo in una vasca coperta di ninfee; e, subito, al termine di uno stretto prato delimitato da abeti, la vista si perde sulle ultime sinuosità del Lago di Varese…. Dove sono? A casa del grammatico Verecondo, o della principessa di Castelbarco? Cerco come meglio posso di scoprire l'antica villa sotto il suo rivestimento moderno e di collegare ciò che ho davanti agli occhi con le descrizioni abbozzate di Sant'Agostino. Con un po' di buona volontà, possiamo benissimo vederlo seduto sull'erba di questo prato a dissertare con i suoi due discepoli, sull'ordine delle cose e sulla vita felice. Questo delfino di pietra riverserebbe nella fontana la vena [ora] esausta del ruscello, che un tempo scorreva nelle terme di Verecondo e il cui mormorio impediva al maestro Agostino ed ai suoi allievi di dormire.

Ma, senza dubbio, non c'è nel giro di dieci leghe una villa, che non possa offrirci, al pari del Palazzo di Castelbarco, un prato incorniciato da alberi e un ruscello canalizzato. La cosa più imbarazzante è che, da qualsiasi parte ci si giri, è impossibile non vedere i laghi. Sant'Agostino non ne ha parlato nei suoi Dialoghi. Come sarebbe sorprendente questa omissione da parte sua! Ha notato una quantità di dettagli esterni, circostanze fortuite, che ci aiutano a ricostruire l'aspetto di Cassiciacum. Notò i ciottoli e le pile di foglie morte, che ostruivano o interrompevano il corso del torrente, la disimmetria delle finestre nella facciata della villa, gli aspetti cupi o gioiosi del cielo, le variazioni di temperatura, e avrebbe dimenticato la bellezza principale del paesaggio, una bellezza che si impone anche agli occhi più indifferenti! Con i loro colori che cambiano come l'espressione di un viso, i cinque laghi ti guardano e catturano l'attenzione. E Agostino, attento a una battaglia di galli, non li avrebbe notati! . . . Un'altra obiezione meno incisiva, ma che ha il suo valore, è che Casciago è lontano dalla città, per una casa di campagna. Circa 65 chilometri lo separano da Milano. Tuttavia, vediamo nei Dialoghi che il buon Alipio fa, per così dire, tra Cassiciacum e la città semplicemente un cammino. Sarebbe stato un vero viaggio. È probabile che si sia sobbarcato così spesso, - ed in piena estate -, la fatica di un tale viaggio? Infine, è naturale che il grammatico Verecondo abbia acquistato, o mantenuto una proprietà così lontana dalla città in cui svolgeva le sue funzioni? Mentre medito e soppeso questi motivi, una piccola campana inizia a squillare dal campanile della chiesa, più in basso rispetto alla terrazza. Poi, colpito da un pensiero improvviso, chiedo alla moglie del giardiniere: "non ci sarebbe, nella chiesa di Casciago, qualche ricordo, o qualche reliquia di sant'Agostino?"

- "No, non c'è niente, assolutamente niente. Inoltre, il santo patrono della parrocchia non è Sant'Agostino, è Sant'Eusebio." E vedendo che ha l'aria stupita per la mia domanda, sono obbligato a spiegarle che sto scrivendo un libro su questo grande santo. Una curiosità brilla nei suoi occhi, e mi chiede immediatamente "dove si acquista il libro?" - Ah! Che parola cortese e alquanto dolce per le orecchie di un autore! Tanta gentilezza mi spinge a continuare la conversazione. Parliamo di Sant'Agostino. La brava donna vuole sapere quando è morto, e se non era figlio di Sant'Ambrogio. Queste domande ingenue mi dimostrano che la memoria dei due santi, pur alquanto distorta, domina ancora l'immaginario popolare in questa regione del Milanese. E poi, questo interesse, subito manifestato al solo nome di sant'Agostino, non è commovente? C'è un'antichissima fonte di emozioni che non è ancora esaurita. Mi sembra che attraverso i secoli, per bocca di questa donna, sia tornata un po' della venerazione che i contadini di Cassiciacum riservavano al retore di Milano, il grande studioso cristiano, quando si interessava ai loro lavori. Tuttavia, non mi accontento delle affermazioni della moglie del giardiniere. Attraverso la porta della sacrestia, entro nella chiesa di Casciago, e sulla soglia riconosco il busto del santo patrono della parrocchia - un santo Eusebio barbuto - , con un naso lungo ed una Mitra colossale, che attende, su una panca, il giorno della sua festa e la solenne processione per le vie del paese. Per mia provvidenziale fortuna, il vicario è in preghiera davanti all'altare maggiore.

Non tardiamo molto a parlare del motivo che qui mi porta. Il giovane sacerdote conferma le parole della contadina. - "No, ancora una volta, non c'è traccia a Casciago del passaggio di Sant'Agostino. Non una leggenda, non una tradizione. È a Cassago di Brianza dove bisogna andare!" - "Inoltre, aggiunge il vicario, ci sono ragioni filologiche". Cassiciacum fu in grado di sincopare in Cassiacum, che in latino medievale, ha dato Cassiagum, da cui Cassago. D'altra parte, il nome Casciago, come pronunciato dalla gente del posto (Cat-chiago, pronuncia figurativa francese), suppone un forte suono dentale nel nome etimologico latino: Castiagum, con una "t", e non Cassiagum... In effetti, è così che il mio cocchiere pronunciò il nome Casciago, quando gli ho chiesto di condurmi lì: Cat'chiago e non Cas'chiago, - mostrando sempre la pronuncia al francese. Senza dubbio, questi dotti argomenti valgono quello che valgono. Non è improbabile che abbia sbagliato strada. Ciò che più seriamente me lo porta a credere è prima di tutto la notevole distanza tra Casciago e Milano, e soprattutto la presenza dei cinque laghi, ai quali sant'Agostino non ha fatto alcun cenno. Mi dispiace. Questo paesaggio del lago Varese è ammirevole, e mi sarebbe stato dolce associare al suo ricordo quello del grande retore penitente. Lo troverò così bene anche Cassago di Brianza?

Nel frattempo, mi fermo a Varese, in una villa del XVIII secolo, trasformata in hotel. Sembra molto grande, questa vecchia casa signorile, con il suo portico, il cortile colonnato, la facciata rococò, dipinta di rosa dall'alto in basso, coronata da balaustre, bracieri e statue mitologiche. Quando si arriva dall'esterno, la figura ardente del sole, le mani ancora secche per l'aria calda del tramonto, è una sensazione squisita sprofondare nella fresca oscurità dei lunghi corridoi, dove i piedi scivolano, sul mosaico lucido del pavimento, come su un fiume ghiacciato. All'improvviso si entra in un vestibolo alto e solenne, spazioso come un salone delle guardie, con il camino monumentale dalle porte a due battenti. Quindi, la serie di corridoi ricomincia, si volge verso un'altra ala del vecchio caseggiato, dispiegando, lungo le pareti, uno strano museo di tele scrostate ed antiquate, nello stile di Bachiche o Pietro di Cortone, Loutherbourg o Joseph Vernet: paesaggi disordinati e patetici, che si stagliano contro cieli tempestosi, con alberi tutti uguali, che creano effetti di tronchi e radici; scene di tragedie, belle persone svenute, cascate di seni, gole rovesciate, pupille capovolte e luccicanti di lacrime sentimentali ... Poi si apre una porticina e si entra in una stanza con mobili in stile gotico e soffitto a navicella, dipinto con mazzi di fiori, come si vedono nei "keepsakes" romantici. Non stona.

È persino sorprendente come il rococò e il gotico 1830, questi due fratelli nemici, si riconciliano facilmente e, giustapposti, finiscano per essere un buon matrimonio. Ma il luogo unico della villa, quello dove si assapora davvero la voluttà italiana, che sa fondere così bene la natura con le emozioni dell'arte, è la terrazza. Al di là di una grande aiuola, dove scorga un getto d'acqua, tra le sagome di abeti e cipressi, giganteschi e scuri come obelischi e piramidi di marmo nero, la faccia lunare del lago svanisce lentamente. L'aria è molto dolce. Un profumo di fieno tagliato si alza dal prato. In una fiammata d'incendio che si spegne, il sole tramonta dietro la cresta delle montagne. Poi la faccia del lago si rianima: è lilla, blu, arancione. Quindi anche i fuochi si spengono e l'acqua morta riprende il suo aspetto lunare. Il cielo è diventato verde e giallo zolfo, e, in una spolverata d'oro, che diviene rosso sangue, spiccano gli aghi dei pini e dei cipressi, con un non so che di splendido e straziante, che ricorda gli ultimi accordi di una sinfonia che si spegne. Laggiù, nella galleria, i violini si lamentano. È il concerto di tutte le sere. Ascolto attraverso la porta semiaperta del salone da ballo, una grande stanza Luigi XVI, solitaria e spoglia, senza altri mobili che i suoi divanetti in seta color crema, i cui piedi bianchi si riflettono nella profondità gelida del parquet. Con i suoi medaglioni, i suoi ricami, i ninnoli in stucco, è tutta bianco e blu come una fanciulla in fronzoli…… Lungo i fregi, ballerine pompeiane volteggiano silenziose in voli di sciarpe, nastri e garze fluttuanti. Nessuno. Le lampade elettriche del soffitto spargono una luce violenta sul pavimento troppo lucido, sulle vecchie appliques che indugiano contro le pareti, con le loro "bobèches" troppo larghe e le loro candele che non saranno più accese. Ascolto. I violini gemono. Negli alti specchi a tre pezzi, offuscati da una nebbia antica, si riflettono i danzatori dei fregi, vaghi come spettri. Sotto questa nicchia, ecco la storica "consolle" [il mobile], dove Verdi ebbe l'ispirazione per uno dei suoi cori... Singhiozzi romantici, maniere gentili del secolo galante, tutto il passato si fonde, trascinato via da uno stesso ritmo nostalgico e funereo. Ah! la bella notte, ebbra di tristezza e piacere che va a morire troppo in fretta ... Improvvisamente, la mia memoria si risveglia. Mi sono allontanato così tanto dal penitente delle confessioni, che, proprio qui vicino, ha sperimentato tali esaltazioni e malinconie? Sulla riva questo lago, ora invisibile per le tenebre, il suo amico Manlio Teodoro forse aveva una delle sue ville. Come piaceva ad Agostino! Com'era difficile per lui lasciare per Cristo tutto ciò che aveva gustato, tutto ciò che lo deliziava a casa del suo ospite, "le fontane e le terme, i giardini dalle belle ombreggiature, le feste sontuose e delicate, i giochi dei mimi e i concerti dei musicisti!" - Tuttavia, ha avuto il coraggio di lasciare tutto questo.

 

***

 

Se Cassago di Brianza è Cassiciacum, questa campagna offrì, al nuovo convertito, se non altro un ritiro pieno di consolazione. Pur non essendo un luogo d'incanto come Casciago, il paesaggio pur meno grandioso, è tuttavia molto bello.

Ci sono al massimo trentatré chilometri tra Cassago e Milano: Alipio potrebbe andare in città, per gli affari della tenuta agricola, e tornare lo stesso giorno, La regione è verde e fresca. Ci sono numerose ville in questa zona. Ovunque, vi sono acque correnti o sgorganti, che l'industria moderna si è affrettata a sfruttare. L'illuminazione elettrica è giunta anche nei paesi più piccoli. Alla Osteria di Barzanò, dove il tramway mi ha lasciato, mi meraviglio degli splendori della lampada. Da lì a Cassago, altri due brevi chilometri. Per un dolce pendio, tra i muri del giardino, traboccanti dei rami di platani e abeti, scendiamo nel luogo dove, mi è stato detto, si trovava Cassiciacum. Prima di arrivarci, si scorge, su un'altura, un'enorme cappella gotica, che copre con il suo splendore l'intera campagna, - il mausoleo della famiglia Visconti di Modrone, gli attuali proprietari di Cassago ed i possibili successori di Verecondo. In ogni caso, qui siamo in un paese pieno di Sant'Agostino. Qualunque sia la conclusione che si trae su Cassiciacum, è certo che da nessuna parte, in nessun'altro posto del Milanese, la sua memoria è più vivida. Con estrema gentilezza, il Parroco si offre di farmi da guida ed informarmi su tutte le tradizioni che ha raccolto. Iniziamo con la chiesa, la cui costruzione è relativamente recente ed assomiglia alle chiese del nord Italia. Ma sostituisce un antichissimo santuario, situato un po' più in alto, che dovette essere abbattuto per costruire il palazzo dei Visconti.

Santa Monica occupa una nicchia d'onore, in uno degli angoli della navata, e sant'Agostino [nella Chiesa] vi ha un altare. Mitra in testa, la statua dipinta del grande Vescovo si erge dietro una vetrata inghirlandata da fiori artificiali. Con una mano tiene un grande volume contro il petto, e con l'altra alza al cielo un cuore rosso fuoco, come si vede nelle incisioni introduttive delle edizioni benedettine. Ai suoi piedi, nella parete in muro dell'altare, è incastonata una venerabile reliquia. Stacchiamo il paravento di legno dipinto che la protegge e appare una vecchia pietra grezza, intersecata da linee strane, figure in parte cancellate di cui è impossibile comprendere il significato. Tutto ciò che si distingue è una croce romanica che sormonta una forma indefinita che evoca l'immagine confusa di un Sacro Cuore. Una leggenda vuole che durante il suo soggiorno a Cassiciacum, Sant'Agostino celebrasse Messa su questa pietra. Il Parroco stesso mi fa notare che questa leggenda non ha sostanza, poiché sant'Agostino quando abitava qui non era ancora sacerdote, e nemmeno era stato battezzato. Si dovrebbe supporre che vi tornò dopo la sua ordinazione. Tuttavia, nessun testo autorizza tale ipotesi. È innegabile che tradizioni popolari come questa in altri posti sarebbero ricercate invano. Il fatto che si incontrino solo a Cassago assume quindi una certa importanza, - una importanza ancora maggiore poiché altre tradizioni del luogo, seguono questa prima leggenda. Così dietro la Chiesa, nel parco del castello, c'è un ruscello che, da tempo immemorabile, è chiamato "la fontana di Sant'Agostino". Preceduti dal fattore [del Parco Visconti], andiamo a vedere questa fontana, che ha ascoltato discorsi così dotti, e che è diventata importante come lo sono fiumi molto più grandi. In fondo ad un pendio erboso, ci fermiamo di fronte a un sottile rivolo di acqua stagnante, che sgorga da un boschetto di nocciole ed acacie e che si perde, un poco, sotto l'erba. Non mormora più, non rimbalza più sui ciottoli, come nei giorni in cui destava l'insonne Sant'Agostino. È un rivolo quasi prosciugato, che sta per essere assorbito dalla terra e dalle foglie morte. Tuttavia, il fattore ci assicura che in inverno o in primavera, dopo le piogge e lo scioglimento delle nevi, la fontana [ora] quasi morente, riprende vita, scorre con grandi gorgoglii ed è in grado di fare un bel tramestio. A questo il Sacerdote aggiunge che proviene da un torrente, che scorre vicino al paese, - il Gambaione, - che sant'Agostino avrebbe implicitamente nominato, quando parla di quest'acqua, che viene portata alle terme di Cassiciacum da tubi di legno, - canalibus lineolis. Naturalmente, i tubi di derivazione sarebbero stati distrutti nel corso dei secoli. Ma nel seminterrato di un giardino, vicino a palazzo Visconti, sono stati rinvenuti dei condotti in terracotta, simili a quelli che i Romani usavano per i loro ipocausti. Potrebbero essere queste le ultime vestigia delle terme di Verecondo? Non è affatto irragionevole crederlo. Infine, per esaurire le ragioni archeologiche, esiste tuttora nel territorio di Cassago, una località chiamata Oriano, designata nel testamento dell'Arcivescovo Andrea, datato 903, con il nome latino di Aurelianum. Ora sappiamo che Sant'Agostino si chiamava Aurelius Augustinus. È in ricordo della sua visita a Cassiciacum che i contadini avrebbero dato il suo nome a questa località del loro villaggio? In ogni caso, tutti questi piccoli fatti formano un insieme di concordanze, che costringono anche i più scettici a riflettere. Quanto alla topografia della villa moderna, si adatta facilmente alle indicazioni descrittive di Sant'Agostino. Niente di più facile, dato che queste indicazioni sono molto sommarie. In tutta questa regione collinosa, difficilmente c'è una villa che non ha il suo prato o il suo terrazzo, con un prato sottostante, dove sono sparsi gruppi di alberi. Ed è quello che trovo a Villa Visconti. Tra due abeti, che incorniciano l'orizzonte, si apre una vasta prospettiva, sulle ondulazioni della Brianza, fino alla nebulosa catena delle Alpi. I contorni tremano in questo azzurro soave e chiaro e che sembra il colore dell'aria in questo paese. A sinistra riconosco la montagna frastagliata ed i pendii selvaggi, che avevo già osservato l'anno scorso a Cernusco. In definitiva, il paesaggio è lo stesso che ho descritto nel mio capitolo su Cassiciacum. Se Verecondo ebbe qui la sua villa, non mi sbagliavo molto, cercandola sulla linea da Lecco a Milano. Il palazzo moderno, che l'ha sostituita, ha indubbiamente parti molto antiche, ma sovrapposte e diventate quasi irriconoscibili sotto il rifacimento nello stile del 1830. Tuttavia, il fattore ci tiene a farmi visitare i sotterranei, dove [egli] si ostina a vedere la cucina di Santa Monica. Ammetto che il solo aspetto del luogo scoraggia tutti gli sforzi della mia immaginazione per seguirlo su questa strada. C'è infatti una corte circondata da una passerella con colonne toscane, tendaggi di tela rossastra, tra le colonne, che ricorda vagamente l'atrio di una casa romana. Non è che una visione fugace. Quasi tutto il rivestimento della casa è progettato nel gotico oxfordiano più puro. Amabile fantasma, il genere trovatore qui mi circonda. Non mi sconvolge. So di essere nella culla del romanticismo italiano. Cassago non è lontano dal Lago di Como, caro a Manzoni, che ha ambientato sulle sue rive le scene principali dei Promessi Sposi. E penso anche a tutto ciò che c'era di romantico nell'anima ardente e tormentata di Sant'Agostino. Il Parroco mi riporta a questo grande santo, mostrandomi, negli archivi del presbiterio, un curioso documento scritto, in latino, di una bella grafia diplomatica, dove si dice, che, nei primi anni del XVII secolo, la parrocchia di Cassago fu preservata dalla peste, grazie all'intercessione del "Pontefice di Ippona - Hipponiensis Pontificis" , e questo conferma l'esistenza di un culto tradizionale per Sant'Agostino. Infine, il 20 agosto , la sua festa viene celebrata con una solennità che non ha pari da nessun'altra parte. Ricordiamo ora gli altri fatti invocati dagli archeologi: la leggendaria pietra incastonata nella muratura dell'altare, la fontana di Sant'Agostino, il nome di "Aurelianum" dato a una località del paese. C'è bisogno di ulteriori prove per assicurarci di essere qui proprio a Cassiciacum? Naturalmente, nessuna di queste prove è assolutamente conclusiva e certa. Ma perché è solo a Cassago che troviamo questi fatti e queste tradizioni? Perché il ricordo del santo è ancora vivo lì, e questo da secoli? Ci deve essere qualcosa. Se, d'altro canto, il sito e la topografia non contraddicono le indicazioni dei Dialoghi e delle Confessioni, saremmo riluttanti a chiedere di più, soprattutto perché l'archeologia non può e senza dubbio mai potrà risolvere il problema con argomenti esaustivi. Quindi non cerchiamo oltre, e crediamo solo di aver trovato Cassiciacum.

 

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Eccomi qui davanti alla realtà, che ho inseguito così a lungo, e, come sempre, rimango malinconico quando il mio sogno si realizza. Non oso dire, "E che? È solo questo!" perché so che è colpa mia se rimango freddo. Tutto occupato, a Cassago, a raccogliere documenti e riconciliare le possibilità, ho agito come il pittore dilettante che, alla ricerca di motivi pittoreschi, dimentica di vedere e sentire il paesaggio.

L'anno scorso, a Cernusco, mi sono commosso in modo diverso quando, senza alcuna speranza di trovarli, ho cercato le vestigia del santo, e tutti i miei pensieri non erano rivolti che a lui.

 

 

 

Il medesimo articolo, con rare modifiche nella premessa, è stato ripubblicato da Bertrand in un capitolo del suo libro "Autour de SAINT AUGUSTIN" pubblicato a Parigi da Arthème Fayard Editeurs nel 1921.

Luigi Anfosso, cui fa riferimento Bertrand, è uno dei fondatori della Associazione Nazionale dei Magistrati Italiana. Egli compare in più punti nel Verbale dell'assemblea di fondazione dell'Agmi svoltasi a Milano il 13 giugno 1909 nella casa di Corso Buenos Ayres, N. 1. A quell'epoca Luigi Anfosso rivestiva la carica di Consigliere di Corte d'Appello. Uomo profondamente religioso partecipò attivamente alla fondazione nel 1918 della Piccola Casa di Pronto Soccorso a Casale Monferrato. Istituita per dare una risposta ai bisogni delle persone indigenti, l'opera venne inaugurata il 19 maggio 1919 e posta sotto la presidenza dell'avv. Luigi Anfosso, originario di Racconigi e , a quel tempo, presidente del Tribunale civile e penale. Uomo di animo buono e generoso, egli propose l'istituzione dell'Asilo diurno e notturno per i bambini. Ne fu presidente fino alla scomparsa, nel 1930, e il suo ricordo risplende nel tondo commemorativo in bronzo dello scultore Virgilio Audagna. La dedica riporta: "L'avv. Luigi Anfosso / magistrato integerrimo / in questa casa / da lui voluta pei fratelli / che la sventura qui sospinge / e dove / il 13 ottobre 1930 / spirò nella carità di Cristo / l'amministrazione del pio luogo / ammirata e riverente / volle ricordato ai posteri / di bontà e di sacrifizio / ammonitore efficace".

Scrisse il libro "LA LITIGIOSITÀ IN ITALIA, IN FRANCIA E NEL BELGIO STUDII E CONFRONTI" pubblicato a Torino nel 1900 dai FRATELLI BOCCA EDITORILI librai di S. M. il RE D'ITALIA, dove nelle pagine introduttive testualmente scrive: "Il verso di Dante e le profonde, ineffabili meditazioni di S. Agostino, la Trasfigurazione dell'Urbinate e la legge di selezione di Darwin esistono embrionalmente nelle povere linee di uno qualsiasi dei mille grafiti dell'alba dell'umanità."

 

Nel 1915 Luigi Anfosso presidente del Tribunale di Lodi assieme all'avv. Giovanni Baroni ed esponenti del mondo cattolico promosse l'istituzione del Laboratorio S. Agostino, il cui scopo era affrontare il problema dei minorenni, avviati a diventare delinquenti abituali. Questo patronato era rivolto ai minorenni del Lodigiano dimessi da istituti di pena o riformatori, espulsi da istituti di istruzione o educazione: lo scopo era di offrire cibo, lavoro, istruzione ed educazione nelle ore diurne. Venne sussidiato dal Comune, dalla Congregazione di Carità e dal Patronato per i liberati dal carcere, rappresentati nel Comitato direttivo rispettivamente dal dott. Remo Vigorelli, dal rag. Riccardo Ferrari e dall'avv. Paolo Martini. La sua sede fu posta provvisoriamente in alcuni locali dell'ex carcere, concessi gratuitamente dal Comune, ma nel mese di luglio fu trasferita in via S. Maria del Sole 22, dove si potè organizzare anche un'aula scolastica. Lo scopo essenziale del Laboratorio S. Agostino era di prevenire che giovani di famiglie povere entrassero in una spirale di emarginazione.

Nel percorso espositivo dell'originario museo di Cesare Lombroso si iniziava con la "Sala degli scheletri di criminali";, una piccola camera nella quale erano esposti venti scheletri montati su base lignea con colonna metallica. A sottolineare l'importanza attribuita da Lombroso allo studio morfometrico della persona vivente anche ai fini del riconoscimento individuale, nella stessa stanza era esposto il tachiantropometro, un ingegnoso strumento anche ora esposto in museo, messo a punto dal magistrato Luigi Anfosso e da lui definito "antropometro popolare".